On estime que le marché français de l’e-santé atteindra 4 milliards
d’euros en 2020. Actuellement, 100 millions d’euros sont prévus pour
accélérer la transformation numérique des établissements de santé ainsi
que 50 millions dévolus au déploiement de la télémédecine afin de
financer les équipements numériques nécessaires : consultations,
paiements et lecture de carte Vitale à distance. À ce titre, le
vieillissement de la population, l’enjeu de la répartition des dépenses
publiques, la volonté d’harmonisation de l’offre de soin, la sécurité
des données de santé, sont autant d’éléments qui nécessitent que les
méthodes et les processus de soins soient adaptés. Alors quel rôle peut
jouer l’e-santé, et vers quelles évolutions se dirige l’Hexagone ?
À
l’instar de l’ensemble de notre économie, l’e-santé connaît un
développement exponentiel dû à la transition digitale et aux innovations
de la recherche clinique pour prendre en charge et accompagner les
patients dans leur parcours. L’informatisation de la gestion et la
numérisation des dossiers ont débuté dans les années 1970 avec l’essor
des nouvelles technologies de l’information et de la communication, pour
arriver aujourd’hui à la création du Dossier Médical Partagé (DMP) qui
compte à date 6 millions de patients ayant commencé à le remplir.
Depuis
40 ans, la santé a connu des investissements relativement importants.
Si ces investissements n’ont pas toujours été couronnés de succès, les
années 2010 ont pourtant vu l’arrivée de nouvelles générations de
professionnels plus conscients des contraintes économiques et des
opportunités technologiques du secteur. De leur côté, les patients sont
aujourd’hui davantage acteurs de leurs soins et familiarisés avec les
usages informatiques.
L’Intelligence Artificielle, l’IoT, le
Big Data ou encore le Machine Learning sont des avancées technologiques
dont l’impact sur la santé est très important, ils seront utiles
notamment pour la prévention et la prise en charge qui en découle, pour
vérifier qu’un traitement est efficace ou non, pour travailler sur la
prédiction d’éventuelles épidémies et pour enfin appuyer la recherche
pharmaceutique.Si la France présente des difficultés à expérimenter ces
innovations dont 80% représentent des données non-structurées, on
s’attend à une augmentation de 800% de ces datas d’ici 2 ans.
De
ce fait, il y a un enjeu majeur autour de la cybersécurité, et ces
données de santé sont régies par le Code de la santé publique. En effet,
elles doivent être stockées par un hébergeur certifié par le Ministère
de la Santé « Hébergeur de Donnée de Santé » (HDS), ce qui garantit une
sécurité optimale avec un chiffrement et une traçabilité des données
couplés à un système d’authentification fort.
Il existe
aujourd’hui plus de 15 milliards d’objets connectés dans le monde, soit
plus du triple par rapport aux chiffres d’il y a presque 10 ans, et
environ 200 000 applications de santé. Leur croissance est exponentielle
et certains estiment leur nombre pouvant aller de 50 à 80 milliards
d’ici 2020, ce qui signifie que chaque personne dans le monde
posséderait six objets connectés en moyenne.
De même, les
objets connectés peuvent d’ailleurs aider à lutter contre la
sédentarité, le tabac et les problèmes de santé qui en découlent, tels
que l’obésité ou le diabète. On estime en effet qu’un patient atteint de
diabète passe 6 heures par an chez le médecin, alors qu’il passe 600
heures par an à se soigner seul, d’où l’utilité d’être accompagné
davantage. Un patient opéré d’une chirurgie bariatrique, liée à
l’obésité, se retrouvera systématiquement face à une situation d’échec
les deux années qui suivent s’il n’est pas bien accompagné. En étant
capables de mesurer l’impact de leur mode de vie sur leur santé, les
Français ont ainsi les moyens de prendre conscience des changements à
réaliser pour aller mieux.
Par ailleurs, la collecte des
données qui sont aujourd’hui produites en masse permet de compiler non
seulement les informations médicales et comportementales des patients,
mais également les renseignements génétiques. La combinaison du Big Data
et de puissants algorithmes de calculs permettraient de réaliser des
profils médicaux et éventuellement d’établir des schémas prévisionnels
pour anticiper certaines pathologies.
Il existe également des
agents conversationnels intelligents, sous la forme de chatbots, qui
permettent de dialoguer avec les patients. Cette technologie peut être
notamment exploitée dans le traitement des dépressions en reproduisant
des liens humains ou pour le suivi post-opératoire de la chirurgie
ambulatoire, comme c’est le cas à l’APHP qui observe un taux de réponse
supérieur à 35% grâce au chatbot mise en place par la société Calmedia.
Malgré
les mesures mises en place, comme le remboursement de la
téléconsultation ou l’article 36 qui autorise l’expérimentation de la
télésurveillance pour certaines pathologies et la volonté du
gouvernement de développer l’e-santé en France, celle-ci a du mal à
s’implanter. Le principal défi à relever est de rapprocher les
professionnels de santé entre eux, mais aussi nouer davantage le
dialogue avec les patients. En effet, les Français ont tendance à se
méfier de l’usage qui est fait de leurs données médicales et
personnelles, ce qui freine le développement de certaines technologies.
En effet, il ressort de l’étude ComPaRe, mise en place par l’APHP,
que « 3 patients sur 4 refusent d’adopter des outils basés sur
l’intelligence artificielle et complètement automatisés. Les patients
volontaires de ComPaRe craignent un mauvais usage de la technologie qui
minerait la relation humaine directe sur laquelle se fondent l’acte
médical et les soins ».
Il importe donc de rassurer les
patients à l’égard des technologies et d’articuler ces dernières avec
les professionnels. La santé numérique ne peut exister que si elle remet
l’humain au centre de la relation avec le patient. L’innovation ne doit
pas remplacer cette relation, elle doit au contraire l’améliorer et
être incarnée par celle-ci.
Il existe donc de nombreuses opportunités d’avenir pour la santé numérique en France, tant que les acteurs du marché se mobilisent à des fins de pédagogie et ne perdent pas de vue l’essentiel des relations de soin entre praticiens et patients, à savoir l’humain.