Le rôle capital de la graisse brune pour la santé

Une intéressante recherche récente montre que lorsqu’il fait froid, le tissu adipeux brun utilise certains types d’acides aminés pour générer de la chaleur et que ce phénomène est associé à une amélioration de la santé métabolique. Photo Adobe stock

Tissu générateur de chaleur

Contrairement au tissu adipeux normal qui sert à emmagasiner le surplus calorique sous forme de graisse, le tissu adipeux brun possède au contraire la propriété de brûler l’énergie du sucre et des acides gras en circulation grâce à son contenu très élevé en mitochondries, les centrales énergétiques des cellules (c’est d’ailleurs cette forte quantité de mitochondries qui donne aux cellules leur apparence brune). 

Chez les adipocytes bruns, les mitochondries contiennent spécifiquement une protéine appelée thermogénine (UCP-1) qui empêche le métabolisme de générer de l’énergie chimique (ATP) à partir du sucre et des graisses et provoque plutôt la production de chaleur. 

Ce phénomène est une adaptation biologique pour générer de la chaleur en réponse aux températures froides et c’est pour cette raison qu’on la retrouve en abondance chez les animaux acclimatés au froid ou encore chez ceux qui hibernent. 

Chez les humains, la graisse brune est particulièrement importante chez les nouveau-nés pour permettre de maintenir leur température corporelle à la suitedu passage du milieu intra-utérin, plus chaud, à l’environnement extérieur, plus froid. 

À l’âge adulte, par contre, cette graisse brune devient beaucoup plus rare (environ 200 g par personne en moyenne) et est surtout localisée dans le cou, au-dessus des clavicules, près de la colonne vertébrale et des reins.

Un combustible

En plus de cette fonction génératrice de chaleur, des résultats récents suggèrent que le tissu adipeux brun joue un rôle central dans le contrôle du métabolisme. 

Un groupe de recherche nippo-américain vient en effet de montrer que l’exposition de volontaires à des températures fraîches (19 oC pendant deux heures) était associée à une captation rapide de certains acides aminés par la graisse brune et à leur dégradation métabolique (catabolisme) au niveau des mitochondries de ces cellules (1)

Cette captation est spécifique pour trois acides aminés à chaîne latérale ramifiée, connue en anglais sous l’acronyme BCAA (branched-chain amino acid) : la valine, la leucine et l’isoleucine, et est rendue possible par une protéine (SLC25A44) qui achemine ces acides aminés vers la mitochondrie où ils sont dégradés pour générer de la chaleur. 

Cette observation est très intéressante, car des études antérieures ont rapporté que les taux sanguins de ces acides aminés de la classe BCAA sont beaucoup plus élevés chez les personnes obèses et sont associés au développement d’une résistance à l’insuline et d’une hausse marquée du risque de diabète (2). En captant spécifiquement ces acides aminés, le tissu adipeux brun agit donc comme un véritable filtre métabolique, capable de diminuer leurs concentrations sanguines et, du même coup, de réduire le risque d’obésité et des désordres métaboliques associés. 

En ce sens, il faut noter que les auteurs ont montré qu’un défaut génétique qui empêche la dégradation des BCAA au niveau de la graisse brune abolit la production de chaleur et mène au développement de l’obésité et à une intolérance au glucose, un signe précurseur de diabète. 

En général, les personnes obèses et diabétiques possèdent beaucoup moins de graisse brune que les personnes minces et il est tentant de penser que cette absence pourrait contribuer aux niveaux élevés des BCAA observés chez ces personnes ainsi qu’aux déséquilibres métaboliques qui les touchent, en particulier au niveau du métabolisme du sucre. 

Puisque les principales sources alimentaires de BCAA sont la viande, le poisson, les œufs et les produits laitiers, les personnes en surpoids ont donc tout avantage à privilégier les aliments d’origine végétale pour éviter une surexposition à ces acides aminés.  

Chose certaine, l’identification de facteurs pouvant augmenter le catabolisme des acides aminés BCAA au niveau des mitochondries du tissu adipeux brun pourrait s’avérer une approche intéressante pour favoriser l’élimination de ces acides aminés de la circulation et améliorer du même coup la santé métabolique. 


(1) Yoneshiro T et coll. BCAA catabolism in brown fat controls energy homeostasis through SLC25A44. Nature 2019 ; 572 : 614-619.

(2) White PJ et CB Newgard. Branched-chain amino acids in disease. Science 2019 ; 363 : 582-583.

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